Le récit de ^Iça et des trois morceaux de pain

Notre maître ^Iça ^alayhi s-salam était un Prophète, et sa compagnie était appréciée par recherche de sa bénédiction et du profit des connaissances qu'il transmettait.

Un jour, un homme qui l'avait rencontré lui dit : "Ô Prophète de Allah, je souhaite être en ta compagnie". ^Iça accepta et ils partirent tous deux jusqu'à arriver au bord d'un fleuve. Ils s'assirent pour manger. Ils avaient avec eux trois morceaux de pain. Ils en mangèrent deux et laissèrent de côté le troisième. ^Iça ^alayhi s-salam se leva pour aller boire de l'eau du fleuve mais à son retour, il ne trouva plus le troisième morceau de pain. Il interrogea l'homme à ce sujet mais celui-ci répondit qu'il ne savait pas.

Ils repartirent ensemble et virent une gazelle en compagnie de ses deux petits. Notre maître ^Iça ^alayhi s-salam fit un signe à l'un d'eux qui accourut. Il l'égorgea, le fit cuire et ils mangèrent une partie de sa viande. Puis, ^Iça ^alayhi s-salam s'adressa au petit de la gazelle en disant : "Relève-toi par la volonté de Allah". Ressucité, le petit de la gazelle se releva et revint vers sa mère. Il demanda à nouveau à l'homme : "Je te demande par Celui Qui t'a fait voir ce miracle, qui a donc pris le morceau de pain ?". Il lui répondit à nouveau : "Je ne sais pas".

Ils repartirent jusqu'à atteindre un désert. ^Iça ^alayhi s-salam ramassa un peu de sable et dit : "Deviens de l'or, par la volonté de Allah". Le sable se transforma alors en or. Il le partagea en trois parts et il dit : "un tiers sera pour moi, un tiers pour toi et le dernier tiers sera pour celui qui a pris le morceau de pain". Les yeux de l'homme brillèrent, et il dit : "C'est moi en réalité qui a pris le morceau de pain". Notre maître ^Iça ^alayhi s-salam lui dit alors de prendre la totalité de l'or, puis il le quitta.

Quelques instants plus tard, deux voleurs vinrent et voulurent tuer cet homme pour lui prendre son or. Il leur dit : "Je suis prêt à le partager en trois avec vous". Ils acceptèrent, puis il leur dit : "L'un de vous va partir au village pour nous acheter de la nourriture". L'un d'entre eux partit et acheta de la nourriture. Le chaytan lui suggéra une ruse et l'homme se mit à y penser en se disant : "Pourquoi vais-je donc partager avec eux cet or ? Je vais mettre du poison dans cette nourriture pour qu'ils meurent et je pourrai prendre la totalité de l'or". Il mit alors du poison dans la nourriture. Au même moment, les deux autres avaient comploté pour l'assassiner dès son retour afin qu'ils partagent à eux deux cet or. A son retour, ils le tuèrent, puis mangèrent la nourriture empoisonnée et moururent à leur tour.

Cet or demeura dans ce désert, avec les trois corps de ces hommes qui gisaient sur le sol. Notre maître ^Iça ^alayhi s-salam passa avec un groupe de ses compagnons auprès d'eux alors qu'ils étaient ainsi. Il dit alors, en mettant en garde ses compagnons : "C'est ainsi qu'est le bas-monde ! Regardez ce qu'il a fait de ces gens. Méfiez-vous du bas-monde !".

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Ce récit nous rappelle l'importance de ne pas s'attacher aux biens du bas-monde. L'un d'entre nous, quoi qu'il amasse comme argent, même s'il a de l'argent qui atteint les cimes des montagnes, il va sans aucun doute s'en séparer et mourir. 

Faites donc preuve de piété et d'ascèse et ne faites pas que vos cœurs soient attachés à ce bas-monde éphémère qui va à sa fin.

Abou Bakr Al-Warraq a un jour été interrogé au sujet de l'ascèse (az-zouhd). Il a répondu :

الزهدُ ثلاثةُ احرفٍٍ، أمّا الزايُ فتركُ الزينةِ، وأمّا الهاءُ فتركُ الهوى، وأمّا الدّالُ فتركُ الدُّنيا

(az-zouhdou thalathatou ahrouf, 'amma z-zayou fatarkou z-zinah, wa 'amma l-ha'ou fatarkou l-hawa, wa 'amma d-dalou fatarkou d-dounya)

ce qui signifie : "az-zouhd, ce sont  trois  lettres. Le (zay)  c'est  de  délaisser az-zinah  -l'embellissement-,  le (ha') c'est d'abandonner al-hawa -les désirs et les passions- et le (dal) c'est de tourner le dos à ad-dounya -le bas-monde-."

Et puisque l'ascétisme consiste à délaisser les choses autorisées qui ne sont ni un acte d'adoration, ni un péché, alors celui qui ne distingue pas l'illicite du licite, comment pourrait-il pratiquer l'ascétisme ? Il est nécessaire d'apprendre les sujets indispensables de la religion pour pouvoir parvenir aux hauts degrés.

Un poète a dit :

بـاتوا على قُلَلِ  الأجبالِ  يَحْرسُهُم 

(batou ^ala qoulali l-'ajbali yahrousouhoum)

Ils ont dormi sur les sommets de montagnes sous la surveillance 

غُلْبُ الرّجالِ فلم تَنفَعْهُمُ القُلَلُ

(ghoulbou r-rijali falam tanfa^houmou l-qoulalou)

d'hommes forts, mais ne leur ont pas été utiles les montagnes [pour échapper à la mort]

واستُنْزِلوا بعدَ عِزٍ عن مَعاقِلِهِــم

(wa stounzilou ba^da ^izzin ^an ma^aqilihim)

Ils ont été descendus, après la richesse, du haut de leurs résidences 

وأُسـكِنوا حُفَرًا يا بِئسَما نَزَلُوا

(wa 'ouskinou houfaran ya bi'sama nazalou)

Et il leur fut donné pour résidence des trous. Quelle demeure qu'ils ont ! 

نادَاهُم صَـارِخٌ مِن بعدِما دُفِنـوا

(nadahoum sarikhoun min ba^dima doufinou)

Ils ont été appelés, après leur enterrement [et il leur a été dit]

أيـنَ الأسرَّةُ والتِّيجانُ والحُلَلُ

('ayna l-'asirratou wa t-tijanou wa l-houlalou)

Où sont donc vos lits, vos couronnes et vos bijoux 

 أيـنَ الوجوهُ التي كانت مُنعَّمـةً

('ayna l-woujouhou l-lati kanat mouna^^amatan)

Où sont donc ces visages qui étaient dans le luxe 

مِن دونِهَا تُضرَبُ الأستارُ والكِلَلُ

(min douniha toudrabou l-'astarou wa l-kilalou)

Et qui étaient protégés par des rideaux et des portes 

فأفصحَ القبرُ عنهم حينَ سـاءَلَهُم

(fa 'afsaha l-qabrou ^anhoum hina sa'alahoum)

La tombe les a dévoilés lorsqu'ils furent interrogés 

تلكَ الوجوهُ عليها الدودُ يقتَتِلُ

(tilka l-woujouhou ^alayha d-doudou yaqtatilou)

Ces visages sont devenus recouverts de vers qui s'entretuent pour en consommer 

قـد طالمَا أكلُوا دهرًا وما شرِبُوا

(qad talama 'akalou dahran wa ma charibou)

Combien ont-ils dévoré les plaisirs durant leur vie 

فأصبحوا بعد طولِ الأكلِ قد أُكِلوا

(fa 'asbahou ba^da touli l-'akli qad 'oukilou)

Mais ils sont devenus après de longs repas, eux-mêmes le plat d'autrui.

Que Allah fasse que nos coeurs ne soient pas attachés aux biens du bas-monde au détriment des biens de l'au-delà, et qu'Il nous réunisse au Jour Dernier parmi les pieux. 'amin